Mais voilà en tout cas la nouvelle que j'avais soumise au concours "Point à la ligne" organisé par la FFT... Je n'ai pas gagné, cela va sans dire (ah si ! j'ai eu une invit pour aller au tenniseum
), mais je vous met ma nouvelle... J'attends bien évidemment vos réactions et commentaires (bons ou mauvais, je prends tout !!) !!
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DESTINEELe vent qui soufflait sur le court Philippe Chatrier faisait flotter les drapeaux dans les tribunes, et les cheveux courts de Anne virevoltaient également. Le match était passionnant. Ce n’était pas la première fois que la jeune femme assistait à un match de tennis : en effet, passionnée par ce sport depuis l’âge de onze ans, Anne exerçait aujourd’hui le métier de journaliste sportive, un métier qui l’avait toujours fait rêver. Mais aujourd’hui, les places qui lui avaient été offertes n’étaient pas destinées à la journaliste, mais à la jeune femme et à son compagnon Baptiste, ce qui expliquait la relative décontraction d’Anne. Relative, car la finale mettait en jeu son joueur préféré, Juan Carlos Ferrero, qui affrontait un autre espagnol, cher à son cœur, le jeune Rafaël Nadal. Le match tenait toutes ses promesses, puisque aucun des deux ne montrait un signe de faiblesse, bien que l’avantage aille au plus âgé et expérimenté des deux. Les cris du public venaient s’ajouter à la fête.
Alors que le quatrième set venait de débuter, le vent décrocha un panneau publicitaire qui s’envola pour retomber sur des spectateurs. Le jeu fut immédiatement interrompu, et les spectateurs se pressèrent autour des personnes qui avaient reçu le panneau, pour vérifier qu’ils n’étaient pas gravement blessés. Après quelques minutes, le jeu repris enfin. Rafaël Nadal fit un petit geste envers les personnes touchées, tandis que Juan Carlos Ferrero gardait son impassibilité.
Anne, quant à elle, semblait fascinée. Le regard tourné vers la tribune C, elle avait aperçu un homme, qui à l’aide d’un appareil photo, immortalisait les instants fabuleux de ce dimanche 5 juin 2005. Elle ne pouvait détourner son regard de cet homme. Soudain, Baptiste lui toucha le bras, et elle sursauta en poussant un petit cri.
« Anne ? Tout va bien ? » demanda-t-il, inquiet.
La jeune femme haussa la tête et répondit calmement : « Oui… je… euh… tout va bien, mon chéri. »
Elle continua d’observer le match, mais son esprit était toujours préoccupé par ce sentiment étrange qu’elle avait ressenti, et qu’elle n’arrivait pas à identifier ! Elle réussit cependant à se concentrer à nouveau pour voir une fin de match palpitante qui vit Juan Carlos Ferrero soulever la Coupe des Mousquetaires une seconde fois.
Mais le malaise la reprit lors du cocktail d’après match auquel elle était conviée. Entourée de ses collègues, ses amis, d’autres journalistes sportifs, plus ou moins célèbres, et de nombreux tennismen, Anne se sentait à la fois sereine, mais étrangement assez mal… Baptiste ressentit son malaise et lui proposa aussitôt de rentrer à la maison, mais elle refusa, ne voulant pas le priver d’un bon moment en compagnie d’amis. Le cocktail se déroula donc sans incident, et elle tenta au maximum de dissimuler son malaise et d’apprécier l’instant présent.
Ils rentrèrent le soir dans leur appartement parisien. Alors que Baptiste prenait sa douche, Anne se mit à observer la décoration de leur appartement comme si c’était la première fois qu’elle les voyait… Hormis les photos, plusieurs récompenses étant destinées à Baptiste étaient encadrées au mur, comme des prix de physique-chimie, de mathématiques… Elle retrouva également des récompenses qui lui étaient destinées… Son diplôme de l’école de journalisme de Lille, avec sa spécialisation « Journalisme sportif ». Elle passa son doigt sur le verre qui protégeait le morceau de papier, et sentit une larme couler sur sa joue. Baptiste sortit de la salle de bain avec une serviette autour de la taille et en séchant ses cheveux en bataille. Il sentit bien que sa bien-aimée n’allait pas bien, même si elle essayait de lui cacher. Il passa sa main dans ses cheveux et lui demanda d’une petite voix : « Il y a quelque chose qui ne va pas ? », mais elle répondit avec un sourire que tout allait bien. Il lui proposa alors d’aller dormir, mais elle lui répondit qu’elle allait le rejoindre, qu’elle préférait être seule pour le moment, mais qu’il ne devait pas s’inquiéter…
Il la laissa alors seule. Elle en profita pour sécher la larme qui avait coulée seule, avec un geste pressé, comme si elle était honteuse. Oui, honteuse, car elle ne comprenait pas les sentiments étranges qui l’avaient envahie, ce mélange de béatitude et de tristesse immense. Honteuse, surtout, car elle avait une vie parfaite, exerçant le métier qu’elle aimait le plus au monde, vivait avec l’homme qu’elle aimait, avait passé une journée de rêve, qui avait vu son joueur préféré s’imposer dans le tournoi qu’elle préférait. Tout allait même pour le mieux, si ce n’est cette boule dans le ventre qui l’avait prise sur le Court Central, au moment où le panneau publicitaire s’était décroché… Anne prit alors la décision d’y retourner le lendemain, avec la ferme intention de comprendre ce qui l’avait poussée à ressentir ce sentiment bizarre, qu’elle comptait aussi identifier… Elle ne pouvait de toute façon pas rester sans rien faire, ce n’était pas dans ses habitudes.
Le lendemain matin, Anne se réveilla assez tôt : sa nuit n’avait pas été très bonne ! Constatant que Baptiste était déjà parti, aux aurores comme à son habitude, elle se pressa, et une heure plus tard, elle était dans le métro. La ligne dix allait la conduire à Porte d’Auteuil, la station qui permettait d’accéder à l’enceinte de Roland-Garros. Assise sur les sièges froid du métro, elle se remémorait le nombre de fois qu’elle avait emprunté cette ligne. Elle la connaissait par cœur…
Elle sortit à la station qui avait été parée pour l’occasion aux couleurs ocres de la terre battue, en sentant la douce chaleur matinale du soleil sur sa peau. Elle marcha quelques minutes, rapidement, machinalement, et plus elle approchait de l’entrée Suzanne Lenglen Nord, plus elle sentait un frisson étrange l’envahir. Il fallait qu’elle comprenne…
Elle n’avait par contre pas prévu qu’il y aurait autant de monde dans l’enceinte de Roland-Garros. Quand elle montra sa carte de journaliste à l’entrée, le gardien lui demanda : « Vous êtes là pour la réunion d’informations ? ». Elle le regarda de façon étrange, si bien qu’il ajouta « La réunion pour les Jeux Olympiques… Vous savez ? ». Comment avait-elle pu oublier ?! Paris étant une des trois villes candidates pour accueillir les JO de 2012, se déroulait aujourd’hui une réunion importante, une des dernières avant la décision finale… Anne y avait été bien sûr conviée, mais depuis la veille, elle était complètement ailleurs.
« Oui, la réunion JO, bien sûr ! » assura-t-elle avec un grand sourire. Mais au lieu de se diriger vers les locaux où se déroulaient habituellement les réunions, elle alla directement vers le Central. En montant les marches, elle sentit son malaise s’amplifier, au point qu’elle songea à faire demi-tour et à aller à la réunion.
Elle descendit les marches pour atteindre les places les plus basses, celles de la « zone rouge », une nouvelle appellation qui datait de 2005. Elle s’assit là tout doucement et ferma les yeux. Des images de tennis lui apparurent à l’esprit. Elle ré-ouvrit les yeux et tourna la tête vers la tribune C… Et là, comme un flash, l’image de la veille lui apparut. Une larme coula sur sa joue. Elle était bouleversée… Se pouvait-il que… ?
Elle referma les yeux, et quand elle les ouvrit, elle affichait un grand sourire. Elle avait compris.
Cette image qui l’avait tant troublée la veille, ce photographe capturant les images de la finale, au dessus de la pancarte « Fauteuils C »… Elle avait déjà vu cette image auparavant. C’était il y a quelques années, alors qu’elle n’était âgée que de onze ans. Alors qu’elle était allée voir la finale de Roland-Garros accompagnée de sa mère, elle avait aperçu son père, un photographe célèbre, et c’est en regardant la finale qu’elle avait compris qu’elle souhaitait dévouer sa vie à ce sport magnifique. Elle souhaitait vivre au rythme des tournois, toujours être au courant des résultats des matchs, les commenter, vivre près des joueurs… Elle ne pouvait pas être joueuse, elle jouait à un niveau trop faible pour espérer être un jour parmi les meilleures, et son tempérament de battante ne l’autorisait qu’à faire parti de l’élite. Et puis, elle préférait vivre ça avec du recul, et se mettre au service des autres, en écrivant des articles ou en commentant les matches…
C’est en revivant les moments de son enfance qui lui avaient fait choisir la vie parfaite qu’elle menait aujourd’hui qu’elle s’était senti si troublée… Il en est des moments d’une telle intensité que les revivre peut être troublant… Il en était ainsi pour ce dimanche de son enfance. C’est ce jour-là que tout avait changé pour elle ? Oui, elle avait compris que le tennis était toute sa vie, bercée depuis sa tendre enfance par un père photographe professionnel de tennis, et une mère qui avait été longtemps très bien classée. Bercée, par le tennis, ce dimanche lui avait ouvert les yeux sur ce qu’elle voulait faire de sa vie… Oui, elle était tout simplement destinée…
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A vous !
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